ZAC du Pont d’Issy-les-Moulineaux : une « vitrine pour le tertiaire » ?

61.7 photo ISSY_ZAC_fmtLa ville poursuit sa densification avec un projet de ZAC de 250 000 m2 prévoyant près de 11 000 emplois supplémentaires dans trois tours de grande hauteur (165 à 190 m).

Le 3 octobre dernier la ville informait les associations participant à l’atelier d’urbanisme de son projet pour la requalification du secteur du Pont d’Issy, de part et d’autre de la rue Rouget-de-l’Isle (D52). Objectif : renforcer l’attractivité commerciale d’un site ayant vocation à devenir une « vitrine du tertiaire ».

À l’étude depuis 2005, le programme, qui n’est pas encore figé, prévoit 232 260 m2 de bureaux, 13 500 m2 de logements, 3 500 m2 de commerces, 1 200 m2 d’équipements publics (crèche) et crée 10 700 emplois supplémentaires. Les propriétaires des immeubles de bureaux actuels, obsolètes, et en partie vacants – AXA, Crédit Agricole Assurances, Générale Continentale Investissements – ont fait le choix d’une densification sous forme de trois tours, s’élevant de 165 à 189 mètres.

Ce projet qui prétend aussi créer les conditions d’une vraie vie de quartier, s’inscrit en liaison avec le réaménagement de la RD7, de la pointe amont de l’île Saint-Germain, et la ZAC Bords de Seine.

Suivi par l’ensemble des participants, le président d’Environnement 92 s’est étonné d’être informé d’un projet quasiment abouti, procédure qui ne saurait tenir lieu de concertation. Le maire adjoint en charge de l’urbanisme a accepté de constituer des groupes de travail qui participeront à la réflexion d’ensemble, et de modifier la planification en conséquence, ce dont on ne peut que se féliciter.

Il en va différemment quant au fond car ce projet monumental amplifie les déséquilibres sur lesquels Val de Seine Vert attirait l’attention à l’occasion de la révision du PLU de la ville, en 2005.

Des objectifs pulvérisés

En 2005 tous les compteurs sont déjà au rouge par rapport aux objectifs du schéma directeur du Val de Seine pour 2015. Issy détient à elle seule 30 % du parc de bureaux de Val de Seine et construit 49 % de l’immobilier d’entreprises. Val de Seine Vert attire l’attention sur le fait que les emplois profitent moins aux Isséens qu’aux actifs extérieurs, qui occupent alors 84,5 % des 38 243 emplois recensés et dont un bon tiers prend sa voiture pour se rendre au travail. Dans ces conditions, les objectifs de réduction de la circulation automobile du PDU (Plan de Déplacements Urbains) ne peuvent être tenus.

Des transports en commun insuffisants

La ville évalue à environ 2 500 le nombre d’engins motorisés supplémentaires engendré par les 10 700 emplois du programme de la ZAC Pont d’Issy, ce qui semble sous-estimé. L’offre actuelle de transports en commun, quasiment saturée aux heures de pointe, ne permet pas de faire face à ce nouvel afflux. De plus, les études ne semblent pas avoir pris en compte l’incidence du regroupement du ministère de la Défense sur le site Balard.

Densification : la fuite en avant

Aujourd’hui, Issy compte 70 000 emplois pour 64 069 habitants ; la ville en comptera 66 388 habitants en 2015 soit 10 % de plus que prévu au plan. L’espace urbain construit occupe 82,3 % des 423,14 ha de la ville en 2008 contre 53,1 ha d’espaces verts (60,5 ha prévus à terme, soit moins de 10 m2/h). Les Isséens récriminent de plus en plus contre l’option tout béton de la ville ; un projet immobilier le long du square de Weiden suscite actuellement une forte mobilisation des riverains.

Les tours : une solution à la crise ?

Les immeubles de tours projetés ciblent essentiellement le secteur des services aux entreprises, majoritairement représenté à Issy. Cette orientation ne contribue-t-elle pas, a fortiori en période de crise, à augmenter la vulnérabilité économique de la ville ? Enfin le colloque de l’ANIL (Agence nationale pour l’information sur le logement) du 25 octobre dernier met en évidence que « la cherté du m2 est liée à la densité de la construction elle-même […] plus on construit de mètres carrés sur une parcelle, plus le mètre carré est coûteux. »*. Ainsi, paradoxalement, en densifiant on contribue à éloigner les populations moyennes et modestes.

Anne-Marie Siramy

* « 80 % des logements neufs ne sont accessibles qu’aux Français les plus riches », Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 29-30 oct. 2011, p. 14.

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