Un réseau régional d’associations de protection des forêts, SOS-Forêt Ile-de-France Nord-Ouest, est en train de se créer. Catherine Combaldieu, de Ville d’Avray et Louis Vallin, président des Amis de Vaucresson, sont à l’initiative de ce réseau qui s’étendra sur deux régions : Île-de-France et Hauts-de-France.
La forêt francilienne représente 23 % de la surface régionale soit 278 000 hectares, dont 195 000 pour la forêt privée et 83 000 pour les forêts publiques ou domaniales. Quelles sont les raisons qui poussent ces associations à se mobiliser fortement pour nos forêts ?
Pour un équilibre des fonctions forestières
Les forêts ont trois fonctions : sociale pour l’accueil du public, écologique pour la réserve de biodiversité et la protection du climat et économique pour le bois d’œuvre et de chauffage. SOS-Forêt Île-de-France Nord–Ouest souhaite que la gestion des forêts soit équilibrée entre les trois fonctions, que les forêts périurbaines aient un statut juridique qui les protège des aménagements de toutes sortes (extension de cimetières, traversée par des routes et trams, grignotage par l’urbanisation…), que les liaisons écologiques entre ces forêts soient préservées.
Les inquiétudes associatives sont multiples : le développement massif de l’utilisation du bois pour le chauffage et l’industrie (bois d’œuvre et autres), l’agressivité de l’exploitation forestière vis-à-vis des sols et en conséquence la perte des aménités santé et environnementale de la forêt pour les habitants. Ce sont les conséquences mal gérées d’un Grenelle de l’environnement pourtant fructueux.
Le bois-énergie en question
Le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables souhaité par le Grenelle a conduit à des plans pluriannuels de développement forestier imposant des quotas de production de bois pour la construction et le chauffage. En Ile-de-France, l’accroissement forestier naturel estimé par l’Inventaire Forestier National est de 1,4 million de m3/an. Ces chiffres interpellent car le plan autorisera en 2020 la commercialisation de 670 000 m3 de bois auxquels il faut ajouter 430 000 m3 de bois consommés par les propriétaires forestiers soit 1,1 million de m3, chiffre voisin de l’accroissement annuel.
La notion de renouvelable concernant l’utilisation du bois-énergie est mal interprétée. La commission européenne a récemment mis en lumière cette erreur. Après une coupe, la forêt va prendre de 80 à 120 ans pour retrouver son état initial, que se passera-t-il pendant ce long laps de temps ? Avec le changement climatique, on ne peut prévoir les essences à valoriser et la vitesse de croissance sur le long terme. La forêt est un puits de carbone : un hectare de hêtre, de chêne ou de pin Douglas captent respectivement 7, 10 et 18 tonnes de dioxyde de carbone/an. Elle régule la température en évaporant entre 20 et 40 m3 d’eau/ha/an et fixe les poussières atmosphériques, son exploitation doit être ajustée afin que ces fonctions soient en augmentation.
Pour une gestion écologique
Les associations ont aussi constaté les dégâts importants occasionnés par l’exploitation mécanique des forêts. Les engins de coupe et de débardage du bois détruisent durablement les sols forestiers, rendant beaucoup plus difficiles son renouvellement. La biomasse au niveau du sol et du sous-sol (feuilles, humus, branches mortes, racines, vers de terre, champignons microscopiques…) est presque équivalente à la masse végétale au-dessus du sol, arbres et branches. Si cette biomasse du sol et du sous-sol est écrasée par les bûcherons, le renouvellement forestier sera considérablement ralenti… Une gestion écologique de la forêt est donc à promouvoir.
Le développement rapide du chauffage au bois : bûches, plaquettes ou granulés, inquiète aussi. Ce ne sont pas les 600 000 résidences individuelles chauffées au bois qui posent problème mais les chaufferies industrielles alimentant des réseaux de chaleur ou des centres économiques (l’aéroport de Roissy, par exemple). En 2016, l’autoconsommation de bois de chauffe par les propriétaires forestiers a été de 430 000 m3 tandis que les chaufferies en consommaient un million, soit plus que l’accroissement annuel. L’ADEME prévoit qu’en 2020, les chaufferies industrielles utiliseront 1,9 million de m3… le bois sera importé d’autres régions ou d’autres pays.
À ces aspects quantitatifs, il faut ajouter la pollution de l’air par le chauffage au bois, gros producteur de particules, y compris dans les chaufferies industrielles qui ont des normes environnementales inférieures à celles des incinérateurs.
Tous ces aspects font que le réseau SOS-Forêt Ile-de-France Nord-Ouest doit être vigoureusement soutenu.
Michel Riottot