L’échec des plans « Ecophyto » mis en place par les différents gouvernements après le Grenelle de l’environnement est patent. L’utilisation des pesticides devait baisser de 25 % en 2020 et 50 % en 2050. Selon les derniers chiffres de janvier 2020 du ministère de l’Agriculture, la hausse de leur consommation de 2018 par rapport à 2017 a été de 24 %. En 10 ans, la hausse totale de la consommation de pesticides rapportée à leur efficacité a été de 25 %. Cette dernière a pour certains insecticides été multipliée par plusieurs milliers de fois en 20 ans. Les produits phytosanitaires modernes sont un mélange de composés chimiques dont la matière active sur les insectes, les champignons ou les végétaux est accompagnée de substances ou adjuvants permettant un meilleur contact avec la cible, d’être mieux dispersée, de résister éventuellement à la pluie… La France est heureusement le seul pays européen qui prend en compte l’efficacité des pesticides dans ses évaluations.
Que se passe-t-il dans les Hauts-de-Seine ?
Le département n’utilise plus depuis 2007 de pesticides, herbicides et engrais chimiques dans ses parcs. Pratiquement toutes les communes du département font de même pour leurs parcs. Mais comme cela ne suffit pas à empêcher les particuliers ou les résidences collectives d’en utiliser, il fallait bien que les maires prennent des arrêtés pour les interdire. Paradoxalement, le préfet du département a demandé la suspension de ces arrêtés. Les maires de six communes : Antony, Bagneux, Gennevilliers, Malakoff, Nanterre et Sceaux ont demandé au tribunal administratif (TA) de Cergy-Pontoise de prendre un référé préventif pour casser la décision du préfet. En novembre et décembre 2019, le TA a soutenu la position des maires et rejeté la demande de suspension des arrêtés par le préfet. Cependant cette décision méritera d’être confortée sur le fond car elle a été prise sur un vice de forme. Et, comme indique le maire de Sceaux, « il est plus facile à un tribunal d’interdire l’usage des pesticides en ville que dans les campagnes… ».
Dans nos campagnes franciliennes que se passe-t-il ?
Le nouvel arrêté ministériel du 29 décembre 2019 autorise l’épandage des pesticides au voisinage des habitations à 3, 5 ou 20 mètres selon les conditions de culture et la nature des produits. Les associations de protection de l’environnement sont totalement effarées par la dérive actuelle de l’agriculture productiviste et le soutien affirmé des autorités.
Les effets sur la santé humaine, et les agriculteurs en sont les premières victimes, et sur l’ensemble des êtres vivants de nos campagnes (insectes, vers, oiseaux, petits gibiers, végétaux) en réduisant fortement leur nombre, sont maintenant bien connus. Alors que le nombre de maires prenant des arrêtés pour interdire les épandages à proximité des habitations ne cesse d’augmenter, il est totalement inconcevable que ni la profession agricole ni le gouvernement ne repensent le modèle de production actuel.
L’agriculture bio, mais aussi l’agriculture de conservation (qui utilise très peu de pesticides et laisse les agriculteurs naturels que sont les vers agir sans retourner les terres…) progressent néanmoins, mais sont freinées par l’agriculture productiviste. Il est anormal que la vente de produits dits « bio » augmente de plus de 10 % par an en France alors que notre agriculture de proximité est incapable de fournir. La grande distribution importe des produits bio de pays dont le contrôle des modes de culture est bien moins exigeant que dans le nôtre.
Enfin, nous suggérons aux responsables de l’arrêté ministériel permettant l’épandage des pesticides au contact des habitations d’aller se placer sans masque à 3 ou 5 ou 20 mètres d’une vigne ou d’un verger en train d’être traité… afin de mieux comprendre les raisons du déclin des espèces vivantes !
Michel Riottot