Ça s’est passé le 19 octobre dernier : un nouveau quartier inauguré à Issy-les-Moulineaux, comme une cerise sur le gâteau qu’est la ville pour son maire André Santini ou comme les bougies d’anniversaire de ce même gâteau, pour plus de 40 ans d’un mandat ininterrompu.
Trois hectares à aménager en plein cœur de la ville (c’est d’ailleurs le nom de ce nouveau quartier, « Cœur de Ville »), c’est sans doute cela le cadeau d’anniversaire ! Ce quartier vient donc d’apparaître après plus de deux ans de travaux, sur l’ancien site du CNET (Centre national d’études des Télécommunications) qui datait du début des années 50. Le CNET et le Séminaire Saint-Sulpice en face, transformaient à cet endroit l’axe principal de la ville en no man’s land entre 2 bouches de métro, 2 centre-ville (Corentin Celton et Mairie d’Issy).
« Cœur de Ville », nouvelle vitrine de la Mairie, s’affiche comme un troisième éco-quartier d’Issy-les- Moulineaux (70 % de l’énergie consommée seraient d’origine renouvelable, géothermie et panneaux photovoltaïques), avec 607 logements destinés à l’achat et la location (dont 25 % à caractère social, mais haut de gamme, on est quand même à Issy-les-Moulineaux!), 30 commerces en rez-de-chaussé, 2 allées piétonnes le long de 7000 m2 de végétation en forme d’X au sol, pompeusement appelés forêt urbaine. Ce quartier comprendra également un groupe scolaire de 10 classes (école maternelle et école primaire), une crèche de 60 berceaux et une résidence pour les séniors. Enfin 3 immeubles de bureaux
(dont 41000 m2 réservés au siège social d’une compagnie d’assurances) pour 3000 salariés, complètent le tableau d’une ville dans la ville !
L’objectif de réunifier physiquement la ville, de lui redonner de la vie et d’y recentrer des habitudes de consommation au détriment de Paris, semble plutôt réussi, et l’installation d’un grand nombre de commerces (principalement de grandes enseignes avec pignon sur rue, dont une enseigne culturelle, un grand cinéma multiplexe, mais aussi un magasin alimentaire dépendant d’une Coopérative agricole et proposant ainsi des produits en vente directe sans intermédiaire) y contribue fortement.
L’ensemble reste malgré tout un aménagement massif très dense, avec somme toute, une proportion de végétation assez réduite. Le choix des commerces, de type grandes enseignes, pourrait porter ombrage aux petits commerces de proximité installés depuis une éternité du côté de Corentin Celton ou du côté de la mairie. Enfin, l’afflux de personnes (et de voitures) en liaison avec ce nouveau quartier (comprenant des parkings souterrains) ne devrait pas faciliter les déplacements dans le centre d’Issy-les-Moulineaux.
Cet aménagement d’importance semble cependant cocher un maximum de cases d’un aménagement de centre-ville assez vertueux, et s’il fallait densifier quelque part à Issy-les- Moulineaux, il est difficile de soutenir que ce n’était pas là le bon endroit !
Mais alors d’où vient ce malaise, cet arrière-goût dans la bouche ?
C’est que la ville d’Issy-les-Moulineaux reste une ville plus que jamais surdensifiée, en manque d’espaces verts, et qu’il n’y a jamais eu depuis plus de 40 ans une réflexion globale sur la bonne manière d’aménager la ville, sur la bonne manière de la densifier. Cette ville dont la plaine, principalement, a été rasée, reconstruite, remodelée, dont certaines parcelles ont été parfois détruites, construites, déconstruites et reconstruites, en chantier ouvert permanent depuis ces 40 dernières années, a besoin de respirer ! Toutes les constructions anciennes de peu d’étages, « dents creuses » dans le paysage urbain modernisé, sont systématiquement traquées et remplacées pour obtenir une « dentition » parfaite. Il n’y a pas de place à Issy-les-Moulineaux pour la préservation d’un patrimoine (si modeste soit-il), pour une diversification architecturale, pour une ville avec une âme !
Qu’en conclure ? Oui pour cette densification du centre-ville d’Issy-les-Moulineaux, mais pour quelle compensation ? Tout est déjà surconstruit !
Alors chiche, Monsieur le maire, à la prochaine démolition, végétalisez à 100_% et laissez-nous des espaces « édentés ».
Laurent Thibault