Une autre densité

À l’heure où les projets de tours fleurissent sous couvert de densification, tournons-nous vers un exemple d’urbanisme social qui a fait ses preuves : la cité-jardin.

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À la cité-jardin de Suresnes, immeubles à loyer modéré, pavillons et équipements cohabitent harmonieusement

Une vraie question

C’est une donnée incontestée, la ville horizontale de type Los Angeles est plus énergivore que la ville verticale. On peut ajouter que le grignotage des terres fertiles de l’Ile-de-France par l’étalement urbain, quand s’annonce une pénurie alimentaire mondiale, est irresponsable. Nous ne contesterons donc pas ici l’intérêt d’une certaine densification, dans la mesure où la pénurie de logements se fait rudement sentir dans notre région pour laquelle personne ne semble en mesure de limiter la croissance démographique. Ce qui est plus contestable, c’est l’utilisation de ces constats pour justifier la floraison de tours. On notera du reste que les mêmes qui utilisent l’argument, projettent de bétonner les terres agricoles du plateau de Saclay. N’y aurait-il que cette mauvaise réponse à une bonne question ?

Une autre réponse

C’est en 1920 qu’Henri Sellier, maire de Suresnes, entreprend dans sa ville la construction de la cité-jardin, probablement la plus aboutie des réalisations de ce concept. Il poursuivra jusqu’à l’interruption de la guerre la réalisation de cet ensemble. Des immeubles en briques de R + 4 à R + 5, entourent des espaces verts qui servent aussi d’aires de jeux. Ces espaces sont soit ouverts sur la rue, soit séparés de celle-ci par de grands porches. Dès l’origine on a implanté les équipements sociaux et les commerces sans oublier le théâtre où se fera la première représentation du TNP. Dans un souci de mixité sociale (déjà !), on a bordé l’ensemble d’habitat collectif de maisons individuelles construites dans le même style. On peut parler d’une réussite architecturale, avec une unité, et un souci du détail qui fait que tous les éléments ont leur personnalité propre. Aucun immeuble n’est identique à son voisin. L’ensemble, complété après la guerre, produit une densité hors voirie de 2,4. Pour situer, pour les mêmes critères, notre bonne ville de Boulogne atteint 2,8, Paris intra-muros voisine les 5. Mais c’est sensiblement plus que les grands ensembles de banlieue soit 1,8 pour la cité des écrivains à Mantes-la-Jolie (Jolie ?).

La cité-jardin aujourd’hui

À l’évidence on vit bien à l’ombre de ces immeubles en brique, 90 ans après leur construction. Il y a une vraie convivialité, favorisée par ces espaces communs à l’écart de la circulation automobile, et cela ne semble guère avoir changé depuis le temps où je m’y baladais en culottes courtes. Les façades en brique n’ont pas pris une ride. Cette réussite attise les opportunistes : ici le président du Conseil général a lancé son opération de privatisation des HLM… À l’heure où l’on dynamite les grandes barres en y voyant l’une des causes de l’incivilité ambiante, on pourrait s’interroger sur le destin des tours, qui ont essentiellement la même fonction urbaine.

Jean Borsenberger

Pour en savoir plus : www.caes.cnrs.fr/nospublications/caes-magazine/CAESMag-80/citesjardins.pdf

Henri Sellier (1883-1943), un grand homme méconnu

Membre du Parti Socialiste Révolutionnaire, puis du PCF, maire de Suresnes de 1919 à 1941, date à laquelle il est destitué par Darlan et interné. Ministre de la santé du Front Populaire. Sa grande cause est l’habitat des populations défavorisées. Il entre en 1916 à l’office départemental des Habitations à Bon Marché de la Seine, il en devient bientôt le président. On doit à cet office la réalisation des HBM en bordure des boulevards extérieurs. Pour Henri Sellier, habitat à bon marché ne veut pas dire habitat médiocre, architecture et qualité sont au rendez-vous. Henri Sellier milite pour que la Ville de Paris s’étende à tout le département de la Seine, ce qu’il n’obtiendra pas pour des raisons politiques subalternes, on peut aujourd’hui le regretter.

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