Impatient d’élargir une route départementale, le Conseil général des Hauts-de-Seine se heurte à un collectif de 18 associations.
Les travaux d’élargissement du pont du T2 pour les 4 voies de la RD7.
Depuis longtemps, on parle de mettre à quatre voies la RD 7 qui longe la Seine, en rive gauche, de la sortie de Paris à Sèvres. Deux présidents de Conseil général l’ont envisagé avant d’y renoncer. L’actuel, Patrick Devedjian (UMP), est pressé de faire aboutir ce projet baptisé « Vallée rive gauche ».
Le mauvais « feuilleton » de la RD7
Dès novembre 2005, plusieurs associations ont participé à la concertation préalable, en s’assurant les conseils de deux experts, Yann Le Gal et Christian Collin. Sagement, le maire d’Issy-les-Moulineaux, André Santini, optait pour une solution de compromis : deux fois une voie et demie. Entendez : une voie de circulation par sens, plus une bande étroite dévolue aux cyclistes mais sur laquelle les voitures pourraient stationner pour une dépose-minute. Une formule bien connue à l’étranger.
En juin 2007, le Département arrête son choix : 2 × 2 voies avec des feux – et non des ronds-points – plus 2 pistes cyclables. Il confie les berges à la société ILEX qui élabore un projet extrêmement minéral et souvent destructeur du contact entre le fleuve et la végétation. Malgré les réactions et propositions des associations, la majorité départementale vote les 4 voies, le 27 mars 2009.
Un collectif associatif renforcé
Les associations, nullement découragées par la longueur et la complexité des procédures, poursuivent leur combat. Le collectif réunit maintenant 18 structures et il bénéficie de l’appui technique et moral des unions départementale (Environnement 92) et régionale (Ile-de-France Environnement).
Les recours bafoués
Deux recours ont été déposés auprès du tribunal administratif. L’un conteste la déclaration d’utilité publique du préfet autorisant l’élargissement de la route. L’autre attaque l’arrêté du même préfet autorisant l’aménagement des berges de Seine tel que prévu par le projet ILEX. Alors qu’habituellement les responsables attendent, pour ouvrir les chantiers, que les projets soient « purgés » de tout recours devant la justice, la présidence du Conseil général a lancé les ordres de travaux. Ainsi, le 11 février 2012, la ligne de tramway T2 (parallèle à la RD 7) a été coupée à la circulation pour engager la construction d’un nouveau pont ferroviaire.
Vers un dérapage financier inévitable
Les associations, préparant leurs arguments pour le tribunal, ont découvert que les finances départementales étaient en difficulté. Les Hauts-de-Seine, deuxième département le plus riche de France par tête d’habitant, est obligé d’emprunter sur les marchés financiers pour réaliser ses projets. Le coût prévisionnel du projet « Vallée rive gauche » était de 200 M € en 2006. Le budget actuel reprend cette estimation, feignant d’ignorer que les prix ont augmenté depuis six ans. Comment se fait-il que les chiffres n’aient pas été réactualisés ?
D’autres aménagements lourds sont en cours dans les Hauts-de-Seine. Outre le quartier de La Défense, éternel chantier, on peut citer le projet Arena sur Nanterre, l’aménagement de l’île Seguin, le prolongement des tramways T1 et T2 dans le nord du département et la création du tramway T6, au sud, à partir du métro Châtillon-Montrouge. Ce dernier chantier devrait être prioritaire – de l’avis des associations – alors que les projets routiers ne devraient pas l’être. Il faut savoir que la ligne T6 a été décidée en 2000 pour une livraison en 2006… reportée à 2014 !
Le recours à l’emprunt pour financer des investissements n’est pas en soi une hérésie économique. Les Altoséquanais sont cependant conscients que tôt ou tard une augmentation de la part départementale des impôts locaux est inéluctable. Dans ces conditions, le projet « Vallée rive gauche » n’est pas seulement une faute environnementale générant plus de circulation automobile et la dégradation des berges naturelles. C’est aussi une dépense excessive.
Bernard Chartrain