L’État l’a classé. La Commune empêchée de bâtir en fait un repoussoir. La saga dure depuis 40 ans
mais elle n’est pas si difficile à résumer.
Sous le versant de la colline qui a séduit Auguste Rodin à la fin du 19e siècle par sa vue sur la Seine, se cache la dernière carrière de craie qui fût exploitée à Meudon. Creusée avec les techniques les plus sûres, elle a laissé des galeries hautes de 30 à 40 m d’une beauté surprenante et des parois racontant l’histoire géologique de la vallée de la Seine. Leurs fossiles sont renommés
Scientifiques et citoyens ont obtenu en 1986 la protection de l’État contre les appétits des bâtisseurs : le périmètre du réseau de galeries a été classé. Construire en masse sur le versant de la colline tout en respectant les contraintes du classement est devenu difficile : plusieurs promoteurs ont abandonné leurs permis de construire en raison de leur illégalité et du coût des précautions exigées. Mais la commune n’avait pas lâché son objectif de bâtir. Elle a crû trouver la solution : la déclaration de péril imminent pour risque d’effondrement, y compris dans les parcelles déjà bâties. Des arrêtés de 2013 ont mis à la charge des propriétaires les travaux de consolidation. Ils ont été annulés par le tribunal administratif en 2016 faute de lien établi entre parcelles et galeries.
La commune cherche alors une autre voie : celle du risque naturel foudroyant. Un complément d’expertise complaisant, la complicité du préfet, et hop en 2018 le financement du comblement rêvé est assuré par le fonds Barnier. Mais le site est classé : on le limitera aux galeries du centre du réseau (soit 45 % de sa surface). La consolidation des piliers était la solution de bon sens ? Non, il faut combler. Les associations, certaines nationales, protestent en multipliant les contre-expertises. Les services de l’État n’entendent rien. L’autorisation du ministre tombe en 2019 : la commune peut combler à condition de protéger au mieux les galeries résiduelles et leurs accès. A nouveau le tribunal administratif tranche en faveur des défenseurs des galeries. Pour détruire 45 % des galeries, il faut d‘abord déclasser le site.
En appel, la commune fait valoir qu’elle compensera le comblement par une valorisation des galeries résiduelles (parcours de visite et parc en surface). Elle convainc les juges que le classement, loin de perdre son objet, s’en trouvera conforté. L’autorisation est rétablie. Les associations se pourvoient en cassation, elles ne seront pas admises. Les défenseurs du site, qui ne croient pas aux promesses du maire, manifestent.

La suite est triste. Le comblement est réalisé sur 2022 et 2023. Les associations invitées à visiter la fin du chantier relèvent de graves atteintes aux galeries résiduelles et l’absence de compensations. Mais les services de l’État qui ont surveillé le chantier ne trouvent rien à redire. En 2025, l’accès au site soit-disant sécurisé par la destruction de ses plus belles galeries est toujours interdit et son environnement reste toujours un repoussoir. Madame Agnès Pannier-Runacher, Ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, et de surcroît chargée de la protection des sites, est interpellée le 28 mars dernier par sept associations*. Il faut sauver le site
protégé Rodin !
La réponse, un courrier simple du 4 juillet, ne surprendra pas le lecteur : depuis 2017 tout s’est passé dans les formes. Les compensations restent encouragées et seront étudiées en lien avec la prévention des risques. La commune de Meudon apporte une précision dans son bulletin d’été : le parc urbain sur la colline Rodin, devenu espace naturel sensible du département, est un des 15 projets de la ville. Son échéance, c’est 2030…
Le constat est amer : l’État ne veut rien dépenser pour protéger les sites, la commune et le département s’entendent sans écouter (sauf d’éventuels financeurs), et la justice administrative est un jeu de hasard un peu cher (pour les associations, pas pour leurs adversaires). Ce qui n’empêche pas de chanter les vertus de la participation.
Daniel Mouranche
* Ar’Site, Comité de sauvegarde des sites de Meudon, Environnement 92 (devenu FNE Hauts de Seine), France Nature Environnement Ile de France, Sites et Monuments, Val de Seine Vert, Vivre à Meudon