Le droit de la nature

Malgré des avancées récentes le droit de l’environnement reste à conforter. La reconnaissance du crime d’écocide, proposée par la convention citoyenne pour le climat, pourrait changer la donne.

p5_nature en ville 1_opt

Le 12 octobre dernier, nos fédérations départementale : Environnement 92 et régionale : FNE Île-de-France, coorganisaient une rencontre sur le thème de la nature en ville. Parmi les nombreuses interventions qui ont ponctué la journée, celle de Marine Calmet sur le droit de la nature fut particulièrement intéressante.

Crime ou délit d’écocide

Marine Calmet, avocate spécialiste des droits de la nature, est cofondatrice de l’association Wild legal qui vise à la promotion, la démocratisation, l’application et la meilleure utilisation du droit de l’environnement et des droits de la nature. Wild legal a notamment accompagné, en 2019, les 150 personnes qui composaient la convention citoyenne pour le climat (CCC) dans leurs réflexions visant à inscrire dans notre code pénal des sanctions fortes à l’encontre des grands pollueurs par le crime d’écocide. Cette proposition de la CCC n’a pas été reprise et c’est finalement le délit d’écocide qui a été inscrit dans la loi Climat et résilience votée en août dernier. Il renforce les sanctions pénales applicables aux pollueurs et permet à la France de se conformer, enfin, à la directive de 2008 de l’union européenne relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. Pourtant un délit n’est pas un crime et Marine Calmet déplore que le terme d’écocide ait été ainsi vidé de sa substance.

Procès d’assise simulé

Pour ne pas en rester là, Wild legal organise chaque année, en lien avec plusieurs universités, un procès-simulé dans le strict respect du formalisme juridique. En 2021 il a porté sur les « boues rouges » qui contaminent depuis 60 ans l’écosystème marin de la Méditerranée. Ces boues déversées par un discret pipeline tapissent les fonds marins sur une surface allant de Fos à Hyères, soit un rayon de 100 km. Au fil des années, ces rejets massifs, charriant des métaux lourds toxiques et radioactifs, ont entraîné une contamination durable et étendue de l’ensemble de l’écosystème. La destruction de la nature est tellement grave, qu’il est désormais impossible de restaurer l’écosystème impacté. Alors, délit ou crime ?

Des avancées insuffisantes

Comme le rappelle Vincent Delbos dans son introduction au procès-simulé sur les boues rouges, le droit de l’environnement progresse. En décembre 2020 la loi relative au parquet européen a créé des pôles judiciaires spécialisés en matière d’environnement. Un décret de mars 2021 précise que ces pôles sont implantés dans les cours d’appel, à Versailles pour les Hauts-de-Seine. Dans le même esprit les inspecteurs de l’Office français de la biodiversité (OFB) deviennent officiers de police judiciaire. Ils peuvent conduire des enquêtes et renvoyer les prévenus devant le tribunal. Ces avancées récentes ne sont pas négligeables. Des juges et des policiers sont aujourd’hui dédiés à l’environnement, c’est tant mieux. Pour aller plus loin il conviendrait de changer radicalement notre façon d’appréhender l’environnement, la reconnaissance du crime d’écocide s’inscrit pleinement dans cette démarche.

La destruction massive de l’environnement pourrait-il être poursuivi à l’avenir comme le sont les crimes contre l’humanité ? Nombre d’experts internationaux le pensent et proposent d’ajouter l’écocide aux quatre crimes (génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre, crime d’agression) qui figurent dans le statut de Rome, traité international fondateur de la cour pénal internationale. « Ces quatre crimes se concentrent sur le bien-être de l’homme, il faudrait aller au-delà des êtres humains et protéger les écosystèmes et le bien-être de la planète » explique Philippe Sands, coprésident du comité d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide.

Luc Blanchard

Share

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


4 + = cinq