La Ferme du Bonheur de Nanterre, état des lieux et des luttes

La Ferme du Bonheur de Nanterre, lieu culturel, social et écologique, pionnier de l’agriculture urbaine, se voit aujourd’hui menacée par un insidieux projet d’aménagement porté par la ville.

Créée en 1992 par Roger des PRES au milieu du béton nanterrien, La Ferme du Bonheur construit par l’action ardente, indocile et opiniâtre de son fondateur et de son association, une œuvre « agro-poétique », où foisonnent théâtres, musiques, danses, idées, activités sociales et agricoles, reconnue localement et mondialement (participations à la 16e biennale d’architecture de Venise en 2018 et à la 2e biennale du paysage de Versailles cette année, convention avec le soutien du ministère de la Culture).

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En 2008, un délaissé de 4 hectares devient le lieu d’un projet agricole spontané et citoyen (Le PRE pour Parc Rural Expérimental) qui ne tarde pas à attirer sans discontinuer habitants de Nanterre et d’ailleurs2. Ce projet exemplaire, né d’une primitive volonté de faire, témoigne de ce qu’il peut y avoir de plus optimiste dans l’action humaine et politique, d’autant plus lorsque celle-ci se fait sous le regard attentif de laboratoires, d’universités et d’écoles de renommée internationale, travaillant toutes sur les méthodes naturelles de dépollution d’un sol meurtri par l’action humaine3. La scientifique Anne Barbillon, coordinatrice du Programme REFUGE (Risques en Fermes Urbaines, Gestion et Évaluation), y conduit jusqu’en 2021 ses études et observations, prémices à une thèse en cours de rédaction.
Soyez réalistes, demandez l’impossible ! Tel pourrait être le manifeste en actes de la Ferme du Bonheur à une heure où l’irrémédiable guette la biodiversité.

Précurseur, proactif et singulier, le projet de La Ferme du Bonheur l’est en effet par nature. C’est d’ailleurs ce que rappelle fermement Emmanuelle Fossati (groupe EELV-Génération.s de Nanterre) lors du conseil municipal de Nanterre du 21 mars dernier qui voit voter une réduction de moitié de la subvention municipale accordée à l’association. On peut s’interroger sur l’opportunité d’une telle décision pour une association dont l’activité publique et culturelle aura été – comme tant d’autres – largement éprouvée par la pandémie. Mais les braves gens de la Ville n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux et le maire, M. Patrick Jarry, semble avoir
décidé d’effacer du paysage nanterrien ce lieu unique pour le remplacer par un banal aménagement de coulée verte sans âme. Quelque chose de moins… singulier, en somme.

Comme toujours la guerre se joue ici dans la dentelle de procédures discutables et un cocktail vicieux d’antiphrases et d’insinuations. Un appel à candidatures pour une opération d’aménagement en trois zones est lancée (Opération Nanterre bords de Seine), ayant pour conséquences la libération de la parcelle actuellement occupée par La Ferme du Bonheur à l’horizon 2023 et la mise en place d’un appel d’offres pour un projet culturel et agricole sur le terrain même où l’association mène avec succès un tel projet … depuis 14 ans ! Pour l’association et ses soutiens, ce concours est un piège et une manière d’éviter de repenser enfin, et en bonne intelligence avec les acteurs locaux, le développement d’un projet reconnu, exemplaire et qualifié, par l’établissement public Paris La Défense, «d’intérêt général » .

 Malgré la multiplication de réunions, d’invitations à un dialogue rasséréné, l’alerte d’acteurs locaux (l’association ACRI-Liberté) sur la contradiction de ce projet d’aménagement avec les exigences environnementales et légales du SDRIF et du PLU, malgré le traitement inégalitaire dans les moyens financiers et techniques accordés au déménagement de l’école de cirque voisine (Les Noctambules) en lieu et place de ruchers, d’un maraîcher expérimental et d’une zone d’élevage, la procédure suit son cours. Pire encore, la Ville accentue ses dernières semaines sa pression par des courriers mensongers tentant de discréditer et réduire l’action de La Ferme du Bonheur en inventant un nouveau « storytelling » sur celle-ci. Tristesse de la communication politique contemporaine. Désolation face à une posture politicienne qui empêche de saisir ce que gagnerait Nanterre à soutenir et surtout développer sans équivoques un projet qui n’a jamais fini de sidérer et rayonner par sa poésie, sa joie, son intelligence et surtout… sa liberté.

Pierre-Vincent Chapus

Remi Lescoeur

site : www.lafermedubonheur.fr

2 : ARTE, magazine Tracks, 27 novembre 2017 :

www.youtube.com/watch?v=yYFxk7KM7G0

3 : www.afes.fr/wp-content/uploads/2019/10/Bondy_REFUGE.pdf

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