Le SEDIF vient de renégocier le contrat de délégation confié à Veolia ; grâce à l’action de l’UFC-Que Choisir, ce contrat comporte des améliorations. Reste qu’on peut légitimement continuer à s’inquiéter de laisser la gestion de l’eau entre les mains du privé.
Dans les communes de GPSO (Grand Pa- ris Seine Ouest), à l’exception de Ville-D’Avray, la distribution de l’eau est assurée par un syndicat intercommunal, le SEDIF, qui en a confié la gestion à Veolia (Générale des Eaux). Comparativement à d’autres grandes agglomérations, l’eau est fournie à un prix élevé. La plupart des élus ne s’en inquiétaient pas, préférant faire confiance à Veolia. Mais en 2008 une association de consommateurs, l’UFC-Que Choisir, met les pieds dans le plat et démontre qu’avec la tolérance bienveillante du SEDIF, Veolia réalise des bénéfices considérables dans la distribution de l’eau.
La première réaction du SEDIF et de son président, André Santini, est de voler au secours de Veolia et de réfuter les accusations. Une campagne de calomnies, malheureusement relayée par certains élus locaux, se déverse sur l’UFC-Que Choisir, mena- cée de poursuites judiciaires – qui ne seront jamais engagées. Mais l’opinion est alertée et un nombre croissant d’élus com- mence à se poser des questions. Le SEDIF commande un audit, qui fait apparaître la possibilité d’économies substantielles.
Renégociation du contrat de Veolia
Le contrat SEDIF-Veolia étant arrivé justement à échéance fin 2010, la préparation du nouveau contrat se déroule dans des conditions plus satisfaisantes, d’autant que plusieurs sociétés, notamment Suez, entrent en concurrence avec Veolia. Finalement Veolia conserve le contrat, mais de façon mieux encadrée et avec une diminution de ses marges bénéficiaires, et avec pour effet immédiat la réduction du prix de l’eau, qui reste cependant supérieur à celui que paient les Parisiens. Le nouveau contrat n’est peut-être pas le meilleur possible pour les usagers, mais il marque un progrès important et incontestable. Par contre, il n’a évidemment pas d’effet rétroactif et le trop payé pendant des décennies sera passé par pertes et profits ! Par ailleurs, il n’est pas normal que ce soit une association qui ait dû, sur ses propres deniers et à ses risques et périls, introduire un peu de transpa- rence dans les relations entre le SEDIF et Veolia.
Il faudra veiller maintenant à ce que le contrôle de l’exécution du contrat soit moins laxiste que par le passé. Pour cela, le SEDIF doit se doter de la compétence technique (cela paraît admis) et de la volonté politique (cela reste à voir) qui jusqu’ici lui ont fait défaut.
Le silence des élus semble lié à une mauvaise gouvernance du SEDIF, où le conseil d’admi- nistration a accepté de laisser les pouvoirs à un bureau et un président tout-puissants. Com- bien de citoyens savent qu’un représentant de leur commune siège au CA du SEDIF qui fixe le prix de l’eau ? Ne pourrait-on pas demander à ce représentant de publier chaque année un compte-rendu de mandat et d’ouvrir un débat dans le bulletin municipal ?
Délégation ou régie directe ? Cette affaire repose la question du choix du type de gouvernance de l’eau : délégation, ou régie directe ? Trop d’abus financiers, trop d’opacité dans la gestion, trop de négligences dans l’entretien des réseaux, trop de laxisme ou d’indifférence de la part de nos élus sont à déplorer dans les cas de gestion par délégation à une société privée. Dans le cas de la distribution de l’eau, le retour à la régie publique offre une alternative crédible. Choix politique autant que pragmatique, certes, il a déjà tenté des villes d’impor- tance comme New York, Munich, Bordeaux et, depuis début 2010, Paris. En matière de distribution d’eau potable, les investissements techniques sont amortis au bout de plusieurs dizaines d’années ; l’ensemble de la chaîne de gestion de l’eau doit être prévu à très long terme. Aucune entreprise privée n’a ni la capacité, ni la volonté d’intégrer un temps si long. Les collectivités territoriales doivent se saisir de ces enjeux essentiels. Il est évident que ce n’est pas envisageable à l’échelle de nos petites communes ; mais pourquoi pas à celle des communautés d’agglomération, ou du département, de la région ou du Grand Paris ?
À l’heure où la ressource en eau, bien commun par excellence, est menacée en qualité et en quantité, il est temps de sortir du « Water makes money »*.
Jean-Claude Boyer et Anne-Claire Gadenne
*Titre du documentaire diffusé sur ce sujet sur Arte le 22 mars, journée mondiale de l’eau.