Le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) soumet au débat public un projet de transformation de ses usines de production d’eau potable. Il vise à produire une eau « ultra pure », dans une débauche de moyens.
Le projet du Sedif fait l’objet d’un débat, sous l’égide de la Conférence nationale du débat public (CNDP), du 20 avril au 20 juillet 2023. Après nous être opposé à ce projet en 2022, lorsqu’il était à l’état de pilote, nous nous apprêtions à repartir en campagne. Début avril, pourtant, un rapport alarmant de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a rebattu les cartes.
Un grand projet contestable
Connu sous le nom barbare d’Osmose inverse basse pression (OIBP), le projet du Sedif consiste à ajouter dans la chaîne de traitement de l’eau potable une étape de filtration membranaire. Véolia, qui est le délégataire du Sedif, estime que cette transformation des trois principales usines de production d’eau potable coutera 870 millions d’euros. Sans compter la dépense énergétique qui sera multipliée par trois. Le Réseau de transport d’électricité (RTE) est d’ailleurs partenaire du projet. Après ce traitement, l’eau sera débarrassée du calcaire, du chlore et des polluants émergeants. Elle sera déminéralisée et donc impropre à la consommation. Véolia prévoit d’ajouter 30% d’eau traitée classiquement pour la reminéraliser et la rendre à nouveau potable. Autre inconvénient de la filtration membranaire, cette méthode demande de prélever 15% d’eau en plus, alors même que le Plan eau présenté par le gouvernement se fixe comme objectif de diminuer de 10% la consommation. Enfin, parmi les inconvénients majeurs de l’OIBP, il faut citer le rejet de 50 000 m3/jour de
« concentrats », c’est-à-dire de ce qui aura été retiré à l’eau ultra pure.
Autant dire que le procédé proposé n’a rien d’écologique et qu’il paraît préférable d’utiliser ces 870 millions à préserver la ressource. La question était réglée jusqu’à ce que l’Anses produise un rapport sur
« les métabolites du chlorothalonil ».
Le rapport de l’Anses
Dans un rapport rendu public le 6 avril, l’Anses confirme la présence, quasi généralisée dans les eaux de surface et souterraines de métropole, d’un produit de dégradation du chlorothalonil, un pesticide interdit depuis 2019. « Les eaux de surface, qui forment 97 % de nos ressources, la Seine, la Marne et l’Oise, sont toutes contaminées, précise dans Le Monde Sylvie Thibert, chargée de la gestion des risques sanitaires au Sedif. Sur nos trois usines de production, celle de Méry-sur-Oise dispose de deux filières de traitement, l’une conventionnelle, l’autre membranaire. Seule cette dernière permet de faire revenir l’eau que nous distribuons sous la limite de qualité réglementaire. » Voilà qui vient, fort à propos, conforter le projet d’OIBP. Reste à déterminer si cette molécule est potentiellement cancérogène ou non et si d’autres molécules, pour l’instant non recherchées, le sont. En d’autres termes, la question est de savoir s’il est déjà trop tard pour préserver la qualité de l’eau à la source. C’est l’objet du débat public.
Luc Blanchard
FNE Ile-de-France, Eau de Paris, La coordination eau et La Seine n’est pas à vendre organisent un débat sur la question le 23 mai de 17h 30 à 20h à l’Académie du Climat, inscrivez vous le site de FNE Ile-de-France.