L’association a grandi autour des enjeux locaux, au plus près du territoire et de ses habitants, dans un engagement constant en faveur d’un avenir durable pour les Hauts-de-Seine.
En décembre 1991, Yann Fradin, un grand escogriffe de 27 ans qui habite Sèvres, arpente les berges de Seine. Renault est en train de quitter Billancourt, une friche industrielle de 56 hectares s’ouvre dans le Val de Seine. Yann est persuadé qu’il faut que les habitants des six communes impactées réfléchissent ensemble à l’avenir du site. Il en parle autour de lui et convainc les groupes locaux des Verts qui militent sur ce territoire. En février 1992, les statuts d’une nouvelle association : « Val de Seine Vert » sont déposés en préfecture. Les membres fondateurs définissent son périmètre géographique, il coïncide avec celui du Syndicat mixte du Val de Seine (Saint-Cloud, Sèvres, Meudon, Boulogne-Billancourt, Issy-les-Moulineaux, Vanves).
Si les Verts du secteur sont à l’initiative, l’association n’a aucune affiliation politique et ne tarde pas à être rejointe par de nombreuses et nombreux citoyens souvent éloignés de l’action politique partidaire.
Dans la première Lettre de Val de Seine Vert, en mars 1992, sont énoncées dix propositions pour l’avenir du site. Il s’agit d’une profession de foi qui préfigure les engagements de l’association. On y parle de la création d’un lieu de concertation ouvert au public, de protection de l’environnement, de mise en place d’un tramway, d’un véritable maillage des transports en commun, de réduction des nuisances automobiles, d’entretien des berges de Seine, d’écomusée… L’association a fixé ses objectifs, reste à lui trouver un local.
La péniche Météor
En janvier 1994, Stéphane Reiss, objecteur de conscience et chargé de mission de l’association, entreprend la rénovation de la péniche Météor qui doit s’installer au port de Sèvres. En mai 1995, grâce au concours de plusieurs communes et de deux ministères, le « Centre d’information et de concertation du Val de Seine » ouvre ses portes au public. La péniche accueille également une toute nouvelle association, Espaces, que Yann a créée un an plus tôt avec une douzaine d’habitants dont quelques membres de Val de Seine Vert pour entretenir les berges de Seine et insérer des personnes en grande difficulté.
À l’été 1996, Yann est remplacé à la tête de Val de Seine Vert par Erwann Minvielle, Sévrien lui aussi et statisticien des transports. C’est lui qui conduit les négociations avec la ville d’Issy-les-Moulineaux suite à un recours déposé par l’association contre la ZAC Perspective Seine. Il s’agit d’un projet conçu par la SEM 92 et qui prévoit la construction d’une ligne continue d’immeubles de 15 étages en bord de Seine. En 1997, Val de Seine Vert obtient son annulation. Plus tard le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke s’intéressera à ce projet dans le cadre de « l’Affaire ELF » et dénoncera les malversations effectuées.
La reconnaissance
Parallèlement à ce recours, l’association travaille sur ses sujets de prédilection-: l’eau, les déchets, la biodiversité, les déplacements en vélo et en transport en commun… C’est ainsi que l’association réagit au projet de construction d’un bassin de stockage des eaux usées sur le port de Sèvres et d’un collecteur sous la Grande rue, à Sèvres. La Lettre n° 15 de septembre 1998 y consacre neuf pages !
En 1999, Val de Seine Vert est agréée par la préfecture pour la protection de l’environnement dans un cadre intercommunal, tandis qu’à la demande de Dominique Voynet, ministre de l’Environnement, Jean-Pierre Fourcade, maire de Boulogne-Billancourt et président du Syndicat mixte du Val de Seine, remet à Erwann l’insigne de Chevalier dans l’ordre du mérite.
L’association s’institutionnalise mais ne perd rien de son mordant, d’autant que le débat sur l’aménagement des terrains Renault s’invite sur la place publique. L’architecte Jean Nouvel écrit au journal Le Monde : « Boulogne assassine Billancourt ». Pour notre part nous tirons la sonnette d’alarme sur le volet transport. Nous inquiétant, en particulier, du projet départemental d’élargir la RD7 en rive gauche. Un sujet à la une du site Internet que l’association vient de lancer.
Lors de la dixième assemblée générale de l’association, le 24 mars 2001, Erwann annonce qu’il quitte la présidence et pose des questions de fond sur le rôle d’une association de défense de l’environnement dans le contexte des années 2000. Depuis le départ de Nolwenn Le Masson, directrice de l’association, quelques mois plus tôt, Val de Seine Vert a le vague à l’âme.
L’Espace info énergie
C’est Danielle Vermot, une sévrienne encore, qui reprend le flambeau. Elle fait partie de ceux qui pensent que l’association doit s’inscrire dans une dynamique positive. Avec Franck Charlot, nouveau directeur, elle élabore un projet d’Espace info énergie (Eie). L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) est à la recherche de structures d’accueil pour répandre la bonne parole de la maîtrise des dépenses énergétiques, Val de Seine Vert répond présent. Le sujet n’est pas tout de suite abordé dans La Lettre qui, outre les terrains Renault et la RD7, s’intéresse à un nouveau dossier-: La fondation Hamon. C’est Anne-Marie Siramy, Isséenne, qui porte le dossier. La ville d’Issy-les-Moulineaux est sur le point de bétonner l’île Saint-Germain ! L’association se mobilise tout en aménageant au 1 Grande Rue à Sèvres un local avec pignon sur rue qui doit abriter l’Espace info énergie. Pourtant, le maire de Sèvres ne l’entend pas de cette oreille et écrit à l’ADEME pour s’opposer au projet.
Profondément déçue, Danielle prend du recul et, en 2003, c’est Luc Blanchard qui est élu président, la déjà longue lignée des présidents sévriens se perpétue. Luc trouve un local au loyer plus modeste, déménage le siège de l’association un peu plus haut sur la Grande rue et se consacre au dossier Hamon. Un recours contentieux est déposé et Val de Seine Vert fait interrompre les travaux qui viennent de démarrer. En octobre 2003, faute de crédits, Franck Charlot quitte l’association qui doit alors se réorganiser pour fonctionner sans permanent. C’est une première, Internet nous aide beaucoup.
La défense de l’environnement
Les associations de défense de l’environnement du Val de Seine font bloc et s’appuient sur leurs fédérations : Environnement 92 et Ile-de-France environnement. Il faut se battre pied à pied, là pour une colline, ici pour l’accès à la Seine… les mairies résistent, nous coupent les vivres en cessant de nous subventionner… En mars 2007 Val de Seine Vert modifie ses statuts et élargit son champs d’action à l’ensemble des Hauts-de-Seine.
En 2008, Luc est élu conseiller municipal de Sèvres et quitte la présidence. C’est Alain Mathioudakis, Boulonnais, qui prend le relais. Il développe le travail d’équipe, délègue, et tente d’être sur tous les fronts, ils sont nombreux !
Lors des élections municipales, Pierre-Christophe Baguet a été élu maire de Boulogne-Billancourt, une nouvelle équipe arrive aux commandes de la ville mais aussi de la communauté d’agglomération, Grand Paris Seine Ouest qui rassemble sept communes et 300 000 habitants. On parle maintenant de « cluster culturel », de « pôle stratégique » et de nombreux élus peuplent leurs rêves de tours de bureau high-tech. En juillet 2010, P.C. Baguet sort de sa manche Jean Nouvel et un nouveau projet pour l’île Seguin. C’est la stupeur, cinq tours, plus hautes que la colline de Meudon sont prévues. La densité est multipliée par trois. Val de Seine Vert et sept autres associations créent le « G8 », un collectif qui fait tout pour s’opposer à cette nouvelle folie. Nous regroupons également nos forces pour intervenir sur le PLU de Saint-Cloud qui autoriserait des constructions sur le parc ou pour nous opposer à la construction de trois tours de bureaux au Pont d’Issy…
Dix ans de plus
De la décennie 2011-2021 notre histoire locale retiendra avant tout qu’en novembre 2015 Val de Seine Vert rend public ses propositions pour l’île Seguin et s’accorde avec la ville sur un programme d’urbanisation. Ce document servira de base à l’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) validé en 2019 par les quatre associations de terrain que compte le territoire. Cela ne convient pas à Bolloré qui, depuis 2017, était candidat au rachat du centre de l’île. C’est donc DBS, le groupement de trois promoteurs, qui prend la main. Ils déposent des permis de construire pour 130 000 m2 de bureaux…
Biensûr tout cela ne se fait pas en un jour et nous avons le temps de fêter les 50 ans de mai 1968 en organisant un colloque sur la mémoire ouvrière. Le temps d’attaquer le plan local d’urbanisme de la ville de Sèvres, de dénoncer le plan climat de Grand Paris Seine Ouest, de s’interroger sur le Grand Paris express. Le temps aussi de renouveler notre agrément qui porte aujourd’hui sur tout le département des Hauts-de-Seine. Nous manifestons pour la sauvegarde de la gare Lisch à Asnières ainsi que pour promouvoir un bon projet sur les papeteries de Nanterre. Il faudrait parler de beaucoup d’autres choses et de toutes celles et tous ceux qui font vire l’association Gil Leparmentier, Antoine Monnet, Nicole Matrand, Michel Riottot, Naïk Gezel, Remi Lescoeur, Philippe Larminie, Serge Brière, Didier Valon… mais c’est à nouveau sur l’île Seguin que l’actualité nous appelle. Les principales associations ont négocié une OAP et retiré leur recours juridiques, ce n’est pas le cas de tout le monde. Plusieurs recours émanant du coteau de Meudon restent pendants. Les plaignants se sont fait représenter par le cabinet Lepage, la bataille s’annonce rude. D’autant que de nouveaux acteurs entrent en scène : l’association La Seine n’est pas à vendre, Environnement 92, Nous sommes Boulogne. Le Covid est passé par là et l’urgence climatique ne peut plus être ignorée. Le collectif « sauvons l’île Seguin » tient un discours radical, ce qu’il faut c’est une île verte, une forêt, sur la partie de l’île non encore construite ! La cause peut séduire et des associations la soutiennent, dont notre fédération FNE Île-de-France…
C’est dans ce contexte que la ville de Boulogne-Billancourt casse la promesse de vente faite par DBS et annonce que Bouygues immobilier reprend le flambeau. Le feuilleton s’arrête, provisoirement, ici et c’est maintenant de notre association qu’il faut parler. En 2020, lors des élections municipales, Alain Mathioudakis est élu sur la liste du maire de Boulogne-Billancourt et quitte le conseil d’administration de Val de Seine Vert. C’est Frédéric Puzin qui est élu président et c’est lui qui porte l’association durant la pandémie de Covid-19. Nous perdons également deux amis, pilier de l’association : Antoine Monnet et Gil Leparmentier. Val de Seine Vert est fragilisée, les départs et les arrivées ne s’équilibrent plus, à l’aube de nos trente ans nous avons besoin de sang neuf. Alors si l’aventure vous tente, n’hésitez plus, proposez votre candidature.
Val De Seine Vert