La France en cette fin 2024 cherche à faire des économies et à trouver des recettes nouvelles pour éponger ses dettes. Le pays de Louis Pasteur, qui a mis en avant la prévention en santé, ne prévient pas les pollutions extrêmement onéreuses frappant les humains et leur environnement, une source d’économie importante.
Cinq grandes pollutions ont fait l’objet d’évaluation économique : pollution de l’air, de l’eau, des sols, des espaces naturels et la pollution sonore. Les travaux du GIEC depuis 1990, de la Banque mondiale avec le rapport Stern de 2006, du Sénat sur la pollution de l’air (2014) et le Conseil national du bruit (CNB, émanation de l’Assemblée nationale (2016) sur la pollution sonore, des agences de l’eau (chaque année), et des services de l’État, sur les sols et enfin de nos centres de recherches et universités fournissent des données claires.
Pour la pollution de l’air et ses 48 000 décès annuels prématurés, le Sénat l’a chiffré à 101 milliards d’euros par an soit 1500 € par an et par habitant. Pour la pollution sonore, le CNB l’a chiffrée à 150 milliards d’euros par an soit 2500 €/an/habitant.
La pollution de l’eau par les produits agricoles, engrais et pesticides, est chiffrée en 2011 par le Conseil général du développement durable à 247 €/an/habitant. Ce chiffre est à réévaluer en 2024 mais il ne prend pas en compte les autres pollutions de l’eau via les industries, le trafic routier, le chauffage et l’assainissement. La dépollution des 2000 milliards de m3 d’eaux souterraines en métropole pour les amener aux normes de potabilité coûterait selon le CGDD entre 522 et 847 milliards d’euros hors coût de l’énergie pour le pompage. Via les Agences de l’eau et les 2 milliards d’euros utilisés chaque année grâce aux prélèvements d’une taxe sur chaque m3 d’eau potable produite en France, l’État progresse un peu. Mais, paradoxalement, les pollués sont les payeurs.
La pollution des sols liée aux activités industrielles est moins bien analysée et ne fait l’objet que d’études ponctuelles. La dépollution incomplète des terrains Renault de Boulogne-Billancourt, soit environ 60 ha, a coûté 100 millions d’euros. Une cartographie des sites et sols pollués existe (SIS), il serait bon que les services de l’État en dressent un bilan économique.
Les atteintes à la nature via la pollution des eaux et des sols mais aussi par la surutilisation du bois pour le chauffage au lieu d’être utilisé pour la construction ou l’industrie. Les 66 Twh produits par le chauffage au bois en 2023 ont émis 35 millions de tonnes de gaz carbonique, soit 3,2 milliards d’euros avec le coût de 90 € la tonne.
On ne peut additionner sans analyse complète tous ces chiffres car souvent les atteintes aux patrimoines immobiliers via leur dépréciation sont assez voisines pour l’air, le bruit, l’eau et les sols par exemple. Cette valse des chiffres est effrayante, mais le plus effrayant c’est qu’elle est ignorée par les parties prenantes, la politique de l’autruche atteint ses limites, la vie démocratique demande de la transparence.
Si l’on prend en exemple le rapport Stern qui traite d’un sujet proche, les effets des activités humaines sur le réchauffement climatique. Une politique volontariste de prévention mise en œuvre dès à présent coûterait 1 % du PIB/an, soit en France près de 26 milliards €/an mais si rien n’est fait de 5 à 20 % du PIB dès 2050. Pour les cinq pollutions analysées ci-dessus, les solutions préventives visant à les réduire permettraient d’économiser des milliards d’euros.
Michel Riottot