De la gastronomie comme vecteur d’animation urbaine au pont d’Issy

Dans le projet pour le quartier du pont d’Issy-les-Moulineaux, la halle Dunon, flanquée des trois tours, pourrait connaître une reconversion radicale.

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Bientôt des pommes et des poulets sous la halle Dunon ?

Élégante sous ses arcades métalliques, ses huit vaisseaux largement ouverts à la lumière, fille du xixe siècle passée au travers du temps aujourd’hui dédiée à la beauté féminine sous la houlette d’Yves Rocher, la halle de Charles Dunon saura-t-elle cette fois-ci encore conserver sa place ? Quel nouveau rôle pourra-t-elle jouer, de quels nouveaux habits peut-elle se vêtir face à cette déferlante verticale ? Deviendrait-elle symbole de vie dans un espace voué à l’affairisme les jours de semaines et au silence le week-end ? Serait-elle alibi ? Le pardon murmuré à l’oreille des Isséens ?

Le projet du Pont d’Issy

Un projet de signal fort pour l’entrée d’Issy-les-Moulineaux : 3 tours avoisinant les 200 mètres de haut, on ne peut guère faire mieux en termes de signal ! Mais quel est le sens de ces phares de bord de Seine ? Érection d’orgueil et de pouvoir ou réel besoin de surfaces supplémentaires (235 000 m2) de bureaux pour Issy ? Ce quartier n’en manque pas ! 10 000 nouveaux salariés viendraient compléter le rythme actuel des arrivées du matin et des départs le soir : jolis embouteillages à prévoir, compression assurée dans les transports en commun ! Puis, le soir venu, et le week-end, ils rendraient le quartier au silence, tout comme aujourd’hui. Issy-les-Moulineaux est pourtant une cité de « vie ». Elle n’a jamais été une ville-dortoir et l’enjeu est d’en conserver sa vitalité profonde par un mixage subtil entre résidants et « travailleurs ». Seul le cœur historique de la ville demeure lieu d’échanges, de rencontres et de convivialité. Le quartier du pont d’Issy aujourd’hui ne rassemble aucun de ces signes de vie. Les restaurants, la boulangerie et le point presse sont portes closes dès que les derniers employés ont quitté les lieux. On ne peut leur en vouloir, faute de résidents, donc de clients à proximité.

Reconversion de la halle Dunon

Aussi faire de la halle Dunon « la plus grande épicerie de France » est une idée séduisante. Conserver ce bâtiment, un des derniers vestiges industriels est louable et ne peut que nous réjouir. En confier la mise en espace à l’architecte Antoine Monnet peut être une garantie de fidélité. Sa bataille pour préserver le site industriel de Gaupillat à Meudon est dans toutes les mémoires.

Mais comment et par quoi remplir ses 10 000 m2 ? Monsieur Ludovic Perraudin* propose l’idée d’un vaste marché aux produits de nos régions et aux savoirs faires des artisans des métiers de « bouche ». Il veut en faire « une vitrine de la gastronomie française », fort de ce que cette dernière vient d’entrer au patrimoine mondial de l’Unesco. Afin de rendre le projet plus vivant on pourrait aussi y voir in situ la fabrication de chocolats, la cuisson du pain, la décoration de pâtisseries etc. Viendraient peut-être s’adjoindre une école de cuisine (un grand chef est, paraît-il, déjà intéressé) et une bibliothèque culinaire. Enfin restaurants, cafés, marchand de journaux, voire un auditorium… ouverts 7 jours sur 7 !

La halle sans les tours ?

Présenté ainsi on ne peut qu’encourager ce projet. Mais pourquoi faudrait-il le lier à celui des tours ? Il se justifie en soi : conservation d’un patrimoine inscrit à l’inventaire, animation d’un quartier en manque de commerces, vitrine originale : assurément un « signal fort » pour la ville d’Issy-les-Moulineaux. Balises plutôt que phares, certes, mais ce sont elles qui conduisent au port. Alors encourageons ce projet… et élaguons les tours !

Nicole Matrand

* Ludovic Perraudin, fils du patron du célèbre restaurant « le Père Claude » (Paris 15e) où se retrouvent des hommes politiques de tous bords, a créé à quelques mètres du bistrot familial une épicerie fine-traiteur où il a rassemblé vins, alcools, produits frais, et conserves de haut de gamme.

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